Des avalanches d'or du vieil azur, au jour
Premier et de la neige éternelle des astres
Jadis tu détachas les grands calices pour
La terre jeune encore et vierge de désastres,
Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,
Et ce divin laurier des âmes exilées
Vermeil comme le pur orteil du séraphin
Que rougit la pudeur des aurores foulées,
L'hyacinthe, le myrte à l'adorable éclair
Et, pareille à la chair de la femme, la rose
Cruelle, Hérodiade en fleur du jardin clair,
Celle qu'un sang farouche et radieux arrose !
Et tu fis la blancheur sanglotante des lys
Qui roulant sur des mers de soupirs qu'elle effleure
A travers l'encens bleu des horizons pâlis
Monte rêveusement vers la lune qui pleure !
Hosannah sur le cistre et dans les encensoirs,
Notre Dame, hosannah du jardin de nos limbes !
Et finisse l'écho par les célestes soirs,
Extase des regards, scintillement des nimbes !
Ô Mère qui créas en ton sein juste et fort,
Calices balançant la future fiole,
De grandes fleurs avec la balsamique Mort
Pour le poète las que la vie étiole.
La fleur, exquise messagère,
En son petit coeur rose ou bleu
Qu'embaume une senteur légère,
Enferme l'infini d'un voeu.
Frissonnante dans sa corolle,
La fleur, ce vivant billet doux,
Exale en parfum la parole
Dite, en tremblant, du fond de nous...
Parfois, sous le poids chaud d'une âme,
Meurtrie, elle se penche et meurt...
Il faut être poète ou femme
Pour ne pas accabler la fleur.
Seule, une phrase délicate
Brûle en elle comme un encens;
Mais son âme fragile éclate
Sous le fardeau des mots pesants.
Pour épargner sa grâce fine,
Confions-lui le rêve aimé
Dont l'émoi subtil se devine,
En un soupir, sans l'exprimer...
~ Albert Lozeau